dimanche 29 avril 2007

Léviathan


Allez, encore une couche de Paul Auster. Diable, j'ai vu ce matin même sa trombine dans le Journal de Montréal (quand on va bruncher, faut savoir se contenter d'une presse de caniveau). Il vient d'être décoré si je ne m'abuse Chevalier des Arts et des Lettres, il faisait face à l'objectif avec son sérieux habituel. Il a pris un coup de vieux quand même, pour le coup ses 60 ans il les fait vraiment. J'ai un peu l'impression de tomber sur la photo récente d'un vieil oncle que j'aurais perdu de vue pendant quelques temps. Merde, ça m'a fait quelque chose dis donc. Le jour où on distinguera Paul-Loup Sulitzer de la Légion d'Honneur, je vous mets mon slip en gage que l'émotion m'étreindra moins.

Bref, reprenons. Cette fois-ci, Léviathan. Rien à voir à première vue avec le traité de ce cher monsieur Hobbes, quoi que... Pas question ici de philosophie politique ni de doctes analyses de gouvernement. Léviathan, monstre mythique et dévorant trouve son équivalent ici dans la personnalité explosive de Benjamin Sachs, l'ami de notre narrateur qui se fait sauter à la dynamite dès la première page.
"L'Homme est un loup pour l'Homme" affirmait Hobbes. Je ne vous ferai pas le coup de la critique ni celle du "résumeur" cul-terreux. Si je laisse un petit espace pour ce bouquin, c'est pour dire merci à tonton Paul de me faire lire des choses qui étrangement trouvent souvent des résonnances directes avec ma petite vie d'apprenti cloporte. Je suis nombriliste ce soir et si ça vous plaît pas, z'avez qu'à tracer, la porte est ouverte. Bon pour conclure (j'en vois qui roupillent au fond), si vous faîtes partie de ceux qui s'étonnent toujours de voir débouler des virages inattendus, le bouquin devrait vous plaire. Les potes c'est vraiment pas du tout-cuit.

Nota bene: ceux et celles désirant me faire parvenir lettres d'insulte, quolibets et moqueries pour ce message piteux et suintant, peuvent se décharger allègrement dans les commentaires. Avec ma bénédiction.

mardi 24 avril 2007

Coup de boule, coup de boule


Je viens de finir, à force de courage et d'attention boudhique, le film sur Zizou. Heureusement que j'aime le foot sinon je me serais tapé une syncope. Une heure et demie sans quasimment quitté notre héros national déçu, ça peut faire long quand on considère en plus que le match en question n'est qu'un misérable Réal-Villaréal (remarquez au passage cette douce allitération en "al" du plus bel effet, c'est les aléas du direct). A part quelques plans de ballons aériens, de tribunes ou d'images vidéos d'instants cruciaux du match (mouais bof...), on reste scotché aux savates de notre demi-dieu à la retraite. Scotché c'est un bien grand mot, ça traîne et honnêtement on se serait bien passé d'images à répétition ("oh il a craché!,tiens il s'essuye le front", etc...).
J'attendais surtout la musique de Mogwaï, mais la bande son est franchement ridiculement trop discrète. Faut se contenter alors des bons gros bruits de cuir et autres "Hijo de tu mala madre!" que sait déverser avec tant de foi un public de 80 000 trépanés.
Pour l'anecdote, on appréciera sa sortie sur carton rouge après une incartade digne d'une cour de récré d'école primaire ("Tu m'as volé mes billes... Nan c'est les miennes... Eh oh je vais te montrer moi... Arrête, tire pas sur mon maillot ou j'appelle la maîtresse"). C'est rassurant de constater que certains humains arrivent à se tenir toute leur vie à une seule ligne directrice. Pour Zizou, ça restera à jamais "Action/Réaction/Coup de citron".

samedi 21 avril 2007

Chronique d'un saccage annoncé (Partie 1)


Eh bien ça y est, je viens d'accomplir sans fierté mon devoir civique. J'écris sans fierté parce qu'on s'entend bien pour dire que le nom dans ma petite enveloppe bleue ne reflétait pas vraiment mes opinions profondes. C'est ça insultez-moi si vous voulez mais j'en démordrai pas, la stratégie du moins pire est la seule viable dans notre système électoral actuel. S'il ne vous plaît pas tel qu'il est, fallait vous bouger l'arrière-train avant. Je ne dirai pas après puisqu'à cause de la dispersion des voix, il y a de fortes chances qu'on se tape un nabot qui lui est de toute façon rétif à toute idée de changement des institutions. Mais oui, essayez de vous consoler avec vos histoires de manifs et de soulèvement populaire. Regardons les perturbations sociales des dernières années. Elle remonte à quand la dernière grève générale dîtes moi donc? Ah c'est sur, envoyer nos lycéens face aux flashballs ça risque bien de faire sensation, mais niveau efficacité sur le long terme, faudra repasser les gars.
Bon, reste plus qu'à attendre demain. Je vous laisse, c'est l'heure de mon Tranxène.

Mr Propre chasse dans le métro


Il est aux alentours de 5h45, station Papineau. Un gugusse bodybuildé avec excès (et mauvais goût) entre dans la voiture déjà chargée en ce samedi matin. Les rares travailleurs du week-end se mêlent à cette heure aux fêtards titubants reconnaissables à leurs yeux rouges et hallogènes.
Notre gugusse donc. Il arbore un somptueux bronzage couleur Werther's Original et un crâne rasé issu de nos tendres souvenirs javelisés. Un T-shirt blanc taille 12 ans ceintre dégueulassement ses pectoraux à l'hélium. On ne le remarquerait pas le brave homme, mais il se trouve que c'est exactement ce qu'il cherche dans ces heures matutinales. Il rentre au fond du wagon donc, puis le traverse d'un bout à l'autre, jetant à chaque passager un de ces regards complaisants et supérieurs qu'affectent si bien les flics en faction, les matons et les élèves de classes préparatoires.

5h50, station Berri-Uqam. On est à peu près 50 à attendre sur le quai que le premier métro veuille bien s'amener. Visiblement, certains attendent depuis un bon moment et ont même renoncé à leur pieu. Commencer leur "nuit" sur le carrelage, entouré de potes juste un peu moins bourré qu'eux, ça semble leur convenir comme début de week-end.
Revoilà notre Mr Propre qui nous refait le coup du défilé Coco Chanel. Je le vois prendre son élan du bout du quai, quelques oeillades furtives et puis zou!, il entame sa démarche de Belmondo des bacs à sable. Une centaine de mètres plus loin, il faut bien qu'il s'arrête. Le mur est là et personne n'a éprouvé le désir de stopper son inspiration (même si tout le monde l'a remarqué).

6h et quelques, je descends à Mont-Royal. Je m'engage dans les escaliers quand soudain j'aperçois notre ami au cortex scintillant. Après avoir réitéré sa mascarade dans un nouveau wagon, il sort de celui-ci. Je suis alors persuadé qu'il va tout bonnement suivre le même chemin que moi et sortir du quai. Que nenni, le voilà qui rentre dans le wagon suivant et recommence son défilé.

Je me suis demandé si c'était là un nouveau concept de publicité déambulatoire ou une énigme de Pictionary en trois dimensions.La prochaine fois, j'irai lui demander des coupons de réduction ou bien je m'écrirai devant une foule d'usagers consternés: "C'est Mr Propre, je l'ai reconnu! J'ai gagné quoi?".

mardi 17 avril 2007

Eric


Ce soir je vais faire express. Tout d'abord parce que j'ai la rétine qui me gratte (je me lève tôt moi, notre futur président doit me porter dans son coeur), deuzio j'ai pas le temps et troizio j'ai aucune justification à apporter.
Eric, c'est le neuvième opus de la longue série de Terry Pratchett, le Disque-Monde. Environ une quarantaine de bouquins et pas sur que ça s'arrête là. Pour ceux que ça pourrait rebuter, les tomes sont parfois liés de manière élastique, donc pas de panique, vous pouvez vous y mettre sans risquer la commotion cérébrale.
Pour ceux qui ne connaissent pas donc, le Disque-Monde c'est un monde en forme de pizza, soutenu par quatre éléphants qui reposent gentiment sur le dos d'une tortue gigantesque. A'Tuin (c'est son nom), semble porter le fardeau avec complaisance et se ballade sans trop se soucier du reste (mais sûre de son fait néanmoins) dans les méandres insondables de l'espace.

J'ai bien dû observer une période d'abstinence "pratchettienne" de cinq ans avant de m'y remettre, pourquoi j'en sais rien... J'avais oublié pas mal de détails mais étonnament (et ça doit être un gage de qualité), les personnages et l'univers avait conservé une place préservée dans un coin de ma tête. Avec plaisir, j'ai donc retrouvé Rincevent le mage ultra-maladroit, la Mort (qui parle encore et toujours avec de grosses lettres capitales) et l'inévitable bagage magique qui se déplace tout seul sur ses mille pattes et envoie à qui le cherche de terribles coups de becs.

Perdu dans une sorte de quatrième dimension, Rincevent ne doit sa survie qu'à l'intervention saugrenue d'Eric, apprenti Faust de quatorze ans chaperonné par sa môman, en quête de gloire et d'immortalité. On les suit dans cette épisode dans des contrées totalement loufoques. Un petit saut parodique dans la civilisation de Quetzduffelcoatl, le boa à plumes (c'est les Mayas qui doivent être contents) où Rincevent manque de changer l'Histoire après avoir rencontré son ancêtre aussi guignol que lui. S'en suit une éjection dans un Enfer de pacotille fait de sable fin où Prométhée tape la bavette avec son aigle quand Sysiphe s'amuse avec une compagnie de démons. Bon mis à part quelques trop rares répliques bien senties, il me semble malgré tout que ce volume là m'a très nettement moins fait marrer que les précédents. Je m'angoisse pas plus que ça, il me reste une trentaine de tomes pour me faire surprendre à nouveau.

"Le mage regarda la bête juchée sur son perchoir. Il aperçut un oeil unique qui luisait comme un rubis., Par ailleurs, il vit surtout une peau rose et violacée parsemée de bouts de plumes; on aurait dit une brosse à cheveux prête à cuire. Le volatile se secoua avec des mouvements d'arthritique, puis perdit lentement l'équilibre et finit par pendouiller la tête en bas.
- J'ai cru que t'étais empaillé, fit Rincevent
- Va te faire foutre, le mage."

lundi 16 avril 2007

Non-Fiction


Chuck Palahniuk, voilà un nom qui sonne. Bien difficile à priori de savoir de quel terroir il est issu mais je vous laisse les travaux de généalogie. On se contentera de savoir que le monsieur est ricain de formation et qu'il est surtout connu pour avoir pondu l'histoire de Fight Club, cette belle mornifle cinématographique.
En balladant un peu sur divers sites traitant de son cas, j'ai appris que la critique le catalogue comme faisant partie de ces auteurs dits "d'anticipation sociale". Il faut entendre par là le traitement acerbe et souvent cynique des petits et grands écueuils de notre société. On le classe bien souvent avec Bret Easton Ellis (la proximité avec l'article précédent est purement fortuite je vous assure). Il semblerait avoir pour cousin français un certain Houellebecq, lui aussi traite apparemment des mêmes thèmes. Non partez pas, je vous assure c'est nettement mieux ce qu'il fait Palaschtroumf...

Pourquoi donc Non-Fiction alors? Eh bien tout simplement parceque lassé d'écrire des scripts et des scenarii, l'ami Chuck a décidé de nous livrer quelques récits inspirés semble-t-il par le cours de la vie ordinaire. Semble-t-il je dis bien parce que le bougre est habile et nous avertit dans sa préface que certaines nouvelles le sont et d'autres non. Pourquoi faire ça me direz-vous? Ca n'a peut-être pas beaucoup d'importance pour vous mais il se trouve que ça touche une corde sensible chez moi. J'ai parfois bien du mal à m'immiscer dans une histoire quand je sais par avance que son origine se situe d'avantage sur le pavé que dans l'esprit brut d'un gugusse. Je sais c'est absolument stupide, l'imagination se nourrit évidemment d'expériences et de sensations éprouvées dans la vie réelle (am I right Will?). On a tous nos lubies, si je n'avais que celle là je m'en sortirais mieux mais il se trouve qu'en plus de ça j'ai moultes perversions bien plus inavouables (la Champions League, la tarte au citron et la Mc Ewann ne sont que des prémices).

On prend donc un super pied à ne pas savoir si les situations incongrues et délirantes du bouquin ont existé réellement. Tout comme on est en droit dès lors de se questionner sur l'honnêteté de ces pensées. On ne saura pas le fond du fond à propos de Brad Pitt, Juliette Lewis ou d'autres personnages plus anonymes, mais là n'est pas l'intérêt. Question mélange des genres, le cynisme de Palahniuk fonctionne à merveille (comprenez le chien maintenant sur la couv'?) même si reconnaissons le, certaines nouvelles restent en-dessous de l'étonnante qualité visuelle qu'offrent d'autres tranches de vie (fantasmée/réelle?). Mention spéciale pour Marylin Manson et son grenier...

Allez jeter un coup d'oeil sur son site bigrement bien foutu: www.chuckpalahniuk.net

"The laws that forbid you to drive on the sidewalk, to feel the thud of people crumbling off the hood of your car, the crash of bodies shattering your windshield, those laws are economically oppressive. When you really think about it, restricting your access to heroin and snuff movies is a restriction of your free trade. It's impossible to write books, authentic books, about slavery if the government makes owning slaves illegal".

samedi 14 avril 2007

Less Than Zero


Ce qu'il y a de fascinant avec les romans de Bret Easton Ellis, c'est que bien souvent on ne veut pas y être. Je m'explique. Si la réussite d'une oeuvre repose sur le procédé d'identification, force est de constater que dans ses bouquins, le succès doit résider ailleurs. Enfin c'est valable pour moi, vous n'êtes pas obligés d'embarquer dans cet argument. Mais bon, je n'ai jamais trop fantasmé sur une vie de serial-killer (sauf au boulot, souvent), de toxicomane jusqu'au-boutiste (sauf au boulot, parfois), et encore moins de youpi new-yorkais (sauf au boulot, par intermittence). Les vies pitoyables qu'il nous expose ne me font donc que moyennement rêver au final, et c'est peu dire.
Là est toute l'astuce semble-t-il. L'efficacité d'Ellis tient justement et partiellement (et pour moi encore, je me répète) de ce rejet absolu des existences qui me sont présentées. On connait American Psycho; même si la vie de Patrick Bateman peut faire envie sous certains aspects, la grande majorité des gens sains d'esprits vous diront que sur le long terme, découper des gonzesses avec les dents c'est pas super viable.
Dans Less than Zero (son premier roman si je ne m'abuse docteur), on assiste aux frasques ultra-emmerdantes du jeune Clay. Clay, résidant occasionnel de Los Angeles, 19 ans et fils à papa s'ennuie comme un martyre. Alors forcément il se cherche le bougre. Fiesta et orgies plus navrantes les unes que les autres sont au menu de sa jeunesse de nouveau riche des années 80. Plongée ténébreuse dans un monde que je ne veux connaître que de très loin et vous savez quoi, ça tombe bien parcequ'il y a bien peu de chances que je cotoie un jour les potes de Clay. A moins bien sur qu'un producteur avisé finisse par remarquer mon physique ravageur de mannequin des tombolas ou que je me lance avec succès dans de brillantes études de management international (option échange des minéraux fossiles et pollution irréversible). C'est une réalité, la société de la défonce de luxe et de l'argent qui tombe en chiées ce sera pour une autre vie. Ah non merde j'oubliais, dans une autre vie ce sera pas possible, la révolution arrive (ou la mort par radiations, au choix...).
Fascinant donc comme ces vies de ravage peuvent m'accrocher. J'observe tout ça avec une bonhommie toute naturelle jusqu'à ce que je m'avoue spirituellement que ces vies existent bel et bien. C'est alors à ce moment là que je me dis qu'avoir été élevé à la purée Mousseline et au chocolat Poulain ça évite pas mal de tracas.
Le bouquin m'aura valu par surcroît un trip assez intéressant (c'est la thématique). Je profite d'un splendide moment de calme au boulot pour lire une ou deux pages. J'en suis à ce moment où notre héros voit ses naseaux exploser dans une mare de sang suite à d'incessants reniflages de poudre. Je finis cet épisode et quelques secondes après, j'entends venir du fond de la classe cette complainte camouflée: "Monsieur, j'peux-tu aller aux toilettes c'est urgent je crois... ?". Je lève la tête pour voir une élève de 16 ans, un mouchoir rougi sur le nez, en attente de ma magnifique bienveillance. J'ai dû laisser un temps un peu trop long avant de lui répondre: "Euh oui bien sur, évidemment...".

"Et pendant que l'ascenseur descend, passe au premier étage, au rez-de-chaussée et descend encore, je comprends que l'argent est sans importance. Que seule compte une chose: je désire voir le pire."

jeudi 12 avril 2007

In the Country of Last Things


Il commence à dater un peu ce bouquin de Paul Auster. 1987, il y a donc tout juste prescription. Avant que les bibliothèques ne le rangent aux côtés de St Simon, je me le suis mis de côté. J'en attendais beaucoup à vrai dire, je n'avais jusqu'à présent entendu que de très bonnes choses à son propos. Certains me l'ont même présenté comme étant son chef d'oeuvre des premiers âges. J'étais bien curieux de voir ça, de me le confronter à Mr Vertigo par exemple (la Trilogie me semblant hors course dans cette petite compétition).
In the Country of Last Things nous fout d'entrée de jeu dans un monde qui sent pas bien bon. Une cité gigantesque, sordide et menaçante où ne semblent que régner le crime, la débrouillardise et au bout de chaque histoire, la déception et l'inconnu. On risque à chaque coin de rue de se faire percuter par une confrérie de suicidaires, un gang de pique-assiettes ne faisant pas dans la dentelle (de vrais vautours, au sens propre) ou d'honorer son rendez-vous avec une mort inéluctable et souvent violente. Plus d'emplois, plus de toits, une vision saisissante de chaos urbain. Quand j'ai pas super la patate, j'imagine parfois que notre société post-nucléaire aura pas mal de points communs avec ce charmant chaos urbain. Mais paraît-il que les iraniens s'attachent aujourd'hui à donner un vingt-deuxième souffle aux bombes à neutrons, on attend encore un peu pour paniquer du coup...
La petite Anna cherche son frère, le roman est son récit. C'est rare qu'un bouquin me foute la pétoche mais là il a réussi l'ami Paulo. Pour le coup, s'identifier au personnage principal n'a pas été difficile. Quand tu éprouves une méfiance toute naturelle pour l'urbanisme et que tu penses souvent que derrière chaque passant se cache un assassin, un flic sous couverture ou un adorateur quelconque, l'histoire te percute avec insolence. Au résultat, j'ai moins lu le roman comme une pure fiction, mais plutôt comme une hyperbole bien sentie des inhumanités citadines. Oui, je fais de la poésie à deux balles et je fais bien ce que je veux. Qu'est-ce-que vous voulez, j'ai eu un peu peur alors j'exorcise ça comme je peux.
Je ne me risquerai donc pas à faire de comparaisons. Auster est suffisamment hétéroclite de toute façon pour que ce ne soit possible. In the Country of Last Things échappe pour moi à tout archivage. Pour le relire, j'attendrai simplement une époque de réconciliation entre les sauvages du monde extérieur et ma psychopathologie primaire.
"Nos vies ne sont rien de plus que la somme de multiples aléas, et aussi diverses soient-elles dans leurs détails, elles partagent toutes une contingence essentielle dans leur trame: ceci puis cela, et, à cause de cela, ceci."

mardi 10 avril 2007

Hollywood Blues


J'avais gardé comme un souvenir impérissable ma première rencontre avec Kim Newman. C'est souvent quand on attend rien de spécial en ouvrant un bouquin que l'on se fait agréablement surprendre. Ce fut le cas pour moi avec Anno Dracula, un roman absolument épatant où l'inspecteur Lestrade cours après Vlad l'empaleur, Jack l'éventreur et la reine Victoria par la même occasion. Mais stop, je ne dirai rien d'autre sur ce super bouquin, ça risquerait de le gâcher à d'éventuels adorateurs des striges suceurs d'hématites. Si vous ne jurez que par Anne Rice, allez donc prendre une déculottée illico par tonton Kim...
C'est donc avec une confiance et une assurance toute provinciale que je me suis plongé dans Hollywood Blues (The Night Mayor en version originale, nan ne cherchez pas à comprendre...). Grosse déception au final, aussi surprenant que cela puisse paraître. L'idée de base est pourtant formidable. Pour faire bref, un détenu prend le contrôle de la grande centrale informatique régissant l'univers mental de ce pénitencier issu des pires cauchemars sécuritaires. Il détourne les circuits de la machine en construisant un gigantesque dédale onirique où les personnages de sa fiction (et de notre réalité) se débattent tant bien que mal dans son délire construit autour du cinéma noir américain. On croise à chaque page les figures célèbres des années 40, que l'esprit du grand méchant agence à sa guise pour offrir au héros de notre histoire une trame dans le pur registre du cinoche noir. Au menu donc, poursuites sur le bitume, échauffourées et castagnes, pétarades en tous genres.
Formidable idée donc. Kim Newman se pose en véritable spécialiste de ce cinoche là et il prend visiblement son pied à faire revivre ces gueules mythiques et ces gouailles bien trempées. Oui mais voilà, on ne le suit pas le petit Kim. A moins d'être un érudit dans son domaine, c'est la noyade assurée. Je donne peut-être trop d'importance à la qualité descriptive d'un roman, mais ne pas y avoir droit sous prétexte que tel nouvel entrant répond en fait au nom d'un quelconque acteur que le temps a effacé, et bien ce léger détail me chagrine. Bogart, Lorre, Ava Gardner, Cagney et consorts ça va encore, j'ai des références de base mais celles de Newman sont plus de l'ordre de l'encyclopédique ici et c'est malheureux à dire mais ça casse l'ambiance. Je me fais un peu l'impression d'être un crétin de collège qui déplore le manque d'illustration dans Les Misérables. En fait, la solution résiderait peut-être dans un subtil mélange entre les fantastiques idées de Newman et l'approche culturel minimaliste d'un Marc Lévy.

lundi 9 avril 2007

Pour la prochaine saison, ma main dans ta gueule?


Une fois, c'est une erreur de parcours. Deux fois, c'est du foutage de gueule. Là je suis pas content, j'ai envie de broyer les cervelles du conseil d'administration de HBO. Les salauds viennent de récidiver. Je me suis tapé les deux saison de Carnivale pour me rendre compte qu'au final la chaîne avait décidé, pour on ne sait quelle obscure raison, d'annuler la troisième. C'est bien, au résultat tu sais que le grand méchant il est pas mort et tu n'en sais toujours pas plus sur les motivations du perso principal. Ca c'était la première bévue de cette chaîne d'enfoirés.
J'ai aimé cette série là mais pas autant que Deadwood. Jamais au grand jamais je ne me suis dit qu'ils allaient laisser finir celle là de la même manière. Eh bien figurez-vous que si. On se consolera en sachant que, peut-être (rien n'est moins sur visiblement), on se verra gracieusement offrir deux longs métrages pour emballer le tout à la va comme je te pousse. Des fois, ces gros actionnaires dans leur tour en verre, j'ai envie de leur faire boire des gallons d'huile de foie de morue, histoire de voir si ça leur fait passer le goût de me prendre pour un larron.
Donc, posons-le comme on voudra, Deadwood c'est fini. J'avais pris une gentille habitude à rejoindre mes potes du Gem Saloon, à contempler leurs exactions diverses (les cochons de Wu c'est désormais un classique), à jubiler devant leur sens inné de la réparti. Effectivement, niveau dialogue on a été servi. Je ne connaissais peut-être que trois acteurs dans le lot (et encore, au trente-deuxième degré de séparation), mais ils sont tous hallucinants. Des sacrés gueules et une réalisation bien emballée, la recette du bonheur en quelque sorte.
Oui bon, les mauvaises langues diront que, une fois de plus, on se retrouve dans un univers outrageusement viril où les torgnoles pleuvent. Ouais mais bon c'est la conquête de l'Ouest les copains là. Vous vous attendiez à quoi? S'il vous faut des dialogues cuculs qui se lancent sans discernement dans une analyse psychologico-masturbatoire des rapports humains, rabattez-vous sur Sex and the City, Desperate Machin ou Les Feux de l'Amour (pour les puristes).
Même si les biographies des personnages ont été bien romancées, ça fait franchement plaisir de voir débouler Calamity Jane, les frères Earp ou Wild Bill. Et puis honnêtement, qui n'a pas vu le grand, l'illustre Al Swearengen dans ses oeuvres ne pourra jamais rien comprendre à l'avenir de la masculinité. Avis aux mous du bulbe donc, jetez-vous sur ce merveilleux précis de morale et juste après, courez acheter une winchester pour déssouder les cadres de HBO.

samedi 7 avril 2007

Comment devenir un ange


Allez pour aujourd'hui on va parler bouquins pour changer. Ouais, ça m'arrive d'ouvrir ces obscurs parchemins. De temps en temps, je jette un oeil à l'intérieur mais comme le disent ces charmantes têtes blondes de la Rive Nord: "la littérature, c'est gay monsieur". Juste pour les contrarier (pour les faire chier, n'ayons pas peur des mots), le menu du jour eh bien ce sera du papier avec des mots dedans. Bien fait pour vos gueules, gang de p'tits morons...
On a pas trop l'occasion de parler de prose et d'allitérations au boulot. Quelle ne fût pas ma surprise il y a peu donc de voir sur le bureau d'une collègue ce fameux objet "pavique" (c'est bon non?). Devant ma curiosité, elle m'a vanté les mérites de cet auteur et de son oeuvre. Voilà donc le pourquoi du comment. Comme j'ai une certaine tendance à croire les valeurs et le goût de cette collègue, je me suis lancé à l'aventure. Bein oui, je n'ai jamais vu sur son bureau une revue du genre "Women's Style" ou encore "Build Muscles Fast", d'où mon a-priori ultra favorable à son égard.
Le bouquin en question donc, Comment devenir un ange de Jean Barbe (on se marre pas je vous prie). C'est un gars du cru, la quarantaine, qui jouit (mais bordel, arrêtez de ricaner!) d'un grand prestige ici. Pour pas le vexer, je ne dirais pas que sa renommée fricotte avec celle d'un Houellebecq en France, le pauvre il n'a rien fait je pense pour mériter d'être associé à ce gugusse la. Vous m'avez compris.
Eh bien ce fût une très sympathique découverte. Moi j'aime toujours les histoires d'étudiants qui se contemplent le bout de gras à se demander ce qu'ils vont bien pouvoir faire quand la carte 12-25 leur sera défendue et qu'il faudra cracher 8 euros 50 pour voir Batman à l'UGC.
On suit donc une collocation pas mal détonnante de trois paumés de la vie. Le journaleux pigiste qui s'en sort pas, le fêtard charismatique et l'intello frapadingue qui aime éclater la tronche des punks de passage. Ces trois moments de vie suivent une sorte de trame un peu amicalo-mystique, une autre histoire qui, ô merveille de la narration !, rejoint celles de nos trois compères vers la fin. J'en dis pas plus moi, juste peut-être qu'on accroche vraiment facilement à tous leurs mauvais trips et à toutes leurs crises existentielles. Ca nous rappelle quand on était jeune les gars, et pis c'est vrai, on a tous eu un pote qui à un moment a décidé d'entamer son périple Barbès-Saïgon (escale à Tripoli) et en est revenu en compote, le sang chargé d'hépatites inconnues et de substances opiacées.
En gros c'est ça, un bouquin sympa où on voit les alters-ego de nos potes se planter aussi bien que les versions originales.

mardi 3 avril 2007

Photo finish sans polish

Quand arrivait l'échéance fatale de la conclusion, je paniquais toujours devant ma copie. Quelle que soit la matière: philo, éco ou histoire, j'étais toujours tétanisé à l'idée de devoir pondre en quelques lignes cette synthèse sensée reprendre subtilement les hautes notions que mon esprit lumineux développait pendant trois ou quatre heures de méningite scolaire aigue.
Et à chaque fois c'était la même chose, je te pondais un galimatia immonde et kukulapraliné. En cherchant bien dans mes affaires de terminale, je dois pouvoir retrouver ces merveilleuses compositions où j'ai posé une poésie de caniveau sur Nietzche, la déreglementation dans l'économie des babouins méridionaux ou encore même sur la Révolution d'Octobre. Je voulais bien finir mais rien à faire, ça se terminait en ramassis concentré d'âneries et de formules que je croyais à l'époque toutes scintillantes. En fait, elles étaient justes nazes.
Mais bon, il faut croire que la médiocrité du finish n'est pas seulement réservé aux post-pubères sévissant dans l'éducation nationale (j'ai pas mis de majuscules là, le ministre est encore de droite à l'heure qu'il est). On se souvient par exemple de Laurent Fignon sur les Champs Elysées en 80 et quelques, ou encore du Bayern face à Manchester en 90 et plus. Voilà d'autres instants dramatiques où la décontraction dans les dernières secondes coute cher (au choix, un Tour de France, une Champions League ou pire encore, une mention au Bac...).
Ca y est, Rome c'est fini. Je parle pas des barbares et de tout le toutim là, mais bien de cette chouette série de hbo qui m'a vraiment accroché pendant plusieurs semaines. Je me gardais le dernier épisode en savourant d'avance. Ce fut bon pendant 21 épisodes, aucune raison que le dénouement soit saccagé, simple question de probabilité. C'était sans compter sur l'effet Greg Lemon/Ole Gunar Solskjaer/Coef 7 en éco sur sujet pas révisé.
Autant le dire, la fin est pitoyable. La réalisation est calamiteuse, je pense qu'ils ont fait plaisir au fils du producteur. C'est lui qui tient probablement la caméra à en juger par la qualité de l'image et par les libertés prises avec les focales et les lumières (semble-t-il pour exprimer le malaise de Marc-Antoine..., ouais et ta soeur aussi.). Depuis la famille Spelling et l'avènement d'actrices à faces de poisson, on ne s'étonnera plus de rien.
Le jeu c'est du n'importe quoi. Fi de la subtilité d'antant dans les dialogues, on fait place ici à des grands moments d'émotion. Exemple probant: "Greeks are just a bunch of liars. Fuck'em. Yeah, fuck'em". Quand on sait que ces belles lignes sont prononcées par notre héros légionnaire, réputé pour sa retenue et son bon goût qui charme toujours les invités, on comprend plus très bien.
Parlons-en du héros tiens. C'était évident qu'ils allaient nous en faire un truc mélodramatique, mais alors là franchement non. Le faire disparaître c'est une chose mais non de non, mettez-y de la classe. Sans fleurs ni couronnes, c'est comme si Luke Skywalker faisait exploser l'Etoile Noire en pissant dans le conduit de ventilation. Couic, emballez c'est pesé.
On a droit à certaines mises en scène du plus mauvais effet. Le bordel du début par exemple m'a exaspéré au plus haut point. Vas y que j'essaie de te créer de l'érotisme torride en foutant tout un tas de gugusses fornicants et picolant dans tous les recoins de la baraque de Tata Cléopâtre (bein oui c'est l'Egypte merde). C'est tellement bien monté et interprété qu'on pourrait croire à une répétition râtée d'un spectacle de macarena.
Le triomphe final m'a plongé dans une interrogation profonde. La piteuse réalisation de cet instant qui aurait du être grandiose, donne au final l'impression d'assister à une quelconque kermesse-party. Oh, regarde donc comme ils sont trop mignons ces gentils romains avec leurs habits de fête et leurs mines réjouies! La question la voici, la plèbe romaine était-elle supportrice de l'OM? A en juger par les ridicules bannières bleues et blanches qu'ils agitent à la face de l'empereur, on peut légitimement se le demander.
Et puis, le clou du spectacle est en fait un pieu. Douleur, misérabilisme et affliction! Non mais qu'est-ce qu'ils sont allés donner les ultimes répliques à ce sale mioche à baffer. Non seulement il a une tronche d'emplâtre, mais en plus il joue avec une conviction et une authenticité qui, même avec trente vies de travail acharné, n'excèdera pas la qualité de jeu d'un Kurt Russell (le parfait équivalent français semble être après mûre réflexion un Gérard Depardieu bourré).
Si ce n'est pas encore fait donc, courrez-y la voir cette série mais un bon conseil, dîtes vous que la fin n'est pas au niveau. Imaginez pour voir une guillotine mal aiguisée ou un coup de boule de Zizou au Mondial, ça met bien en relief cette sensation de pas franchement fini. De quoi avoir des remords? Faute de Robespierre sous la main, demandons à Zizou...