samedi 1 septembre 2007

Les Bienveillantes


Ouais c'est bon, j'entends déjà les mauvais commentaires des esprits moqueurs. Les diatribes du genre "il t'a fallu tout ce temps pour le lire le bouquin ou quoi?".
Premièrement, non, ça fait bien longtemps que je l'ai terminé. Deuxièmement, et même s'il me fallait trois semaines pour lire 1000 pages, quoi que ça peut bien vous foutre sérieusement?
Donc non, l'absence n'est pas dû à mon manque d'attention et de concentration. Il m'a certes fallu un petit moment pour en venir à bout, mais n'allez pas tirer des conclusions là où il n'y en a pas.
Gros morceau donc que ce bouquin. Je crois bien que ce fût la première fois de ma vie que je lis un prix Goncourt encore vivant. Non pas que j'aime les auteurs morts (quoi que...), mais j'ai souvent peu d'entrain quand vient l'heure de s'attaquer aux réputés grands noms de notre littérature moderne. Bonne nouvelle donc, le prix Goncourt 2006 vit encore et, deuxième point de satisfaction, il est même pas français (selon les critères sarkozistes, faut savoir se mettre au goût du jour les zamis). Franchement, Jonathan Littell, ça sonne pas trop bérichon ni poitevin. Ca me fait un peu penser au tour de France en Angleterre tout ça. Passons.
Quoi dire de ce monstre donc? Vi, c'est un monstre. J'ai rarement été d'accord avec les canonisations de Duras (c'est pas sexiste), d'Ormesson (c'est pas politique) ou autre Mauriac (c'est pas religieux), mais force m'est d'avouer que là, pas d'objection. Personne ne lit l'intégralité des sorties littéraires, mais je me doute qu'après ce bouquin là, les gugusses genre Pivot ou Beigbeder (pardon Bernard pour l'analogie) ne sont pas allé chercher plus loin.
Franchement sidérant. J'ai commencé la lecture avec l'attention moyenne de celui qui ouvre un roman, puis très vite, je me suis laissé embarqué par la dimension historique de la chose. Les détails plus que minutieux m'ont tout d'abord effaré, j'ai pris soin de me référer constamment au glossaire pour éclaircir ma lanterne sur les sigles et diverses appellations. Rapidement, plus besoin, on est dedans et on capte facilement l'étendue des débats.
La trame individuelle se résume elle plutôt bien. Un jeune officier SS fait ses armes dans le conflit mondial, gravit les échelons de la hiérarchie parallèlement à son incursion dans les exactions de toutes sortes. A ça s'ajoute une sexualité torturée, mélange foireux d'homosexualité, d'inceste et de scatologie. Sur ce point, on appréciera nettement moins l'amalgame de pratiques que ne nierait point un Benoît XVI en pleine forme. Le point de vue "microscopique" de l'histoire n'est donc pas à mon avis la grosse réussite de l'oeuvre. Bien tenté la construction du perso torturé mais non. Un peu trop facile (et malsain) de voir ici le terreau du mal et du chaos. C'est vrai quoi, ou alors le nazisme n'était que l'apanage des psychopates. Et à ce qui me semble, l'Allemagne des années 30 n'était pas un centre fermé clinique ne contenant que pédophiles et débiles profonds (non, ça c'est à Clichy, c'est le président qui le dit). J'aurais donc d'autant plus apprécié de voir le terreau de l'infâme dans un gugusse hétéro, bien dans ses pompes et sa quéquette et qui ne fait pas caca dans les soutifs de sa soeur. J'en demande trop, pardon...
C'est du côté "macroscopique" qu'il faut regarder pour en prendre plein la face. J'aime employer ces expressions bien pompeuses à force d'avoir été ressucées par des générations d'universitaires frustrés. Bref. L'aspect documentaliste prend vite le pas, je pense, sur l'intrigue toute moyenne de l'individu (on va éviter de parler de "héros" ok?). Au résultat, j'ai plus eu la sensation d'être plongé dans un recueil historique hallucinemment documenté que dans un simple roman. Les étapes de vie de Aue (notre gugusse scato) servent habilement à nous transporter du front grec à Stalingrad avant de revenir sous les bombes de Berlin et ses bunkers. L'ami Littell ne raconte pas de conneries en plus (ça devrait t'intéresser Max Gallo), une floppée d'historiens plus poussiéreux les uns que les autres sont unanimes: la trame du conflit, ses débats intérieurs ainsi que les relations entre hauts dignitaires du Reich ont été scrupuleusement étudiées et restituées.
Conclusion. Pour les pérégrinations, on préferera du Hemingway mais question intérêt historique, on est dans le vrai. Ok, la taille du bouquin ne rentre pas dans le programme express collège-lycée, mais une bonne compilation devrait être plus pertinente que ces nouvelles 3 minutes de Guy Môquet.