mercredi 2 mai 2007

Lunar Park


Ouuaiiiis!!! Cri de jubilation, extase et ô délectable surprise. J'aime quand sans crier gare, un bouquin me pousse dans mes retranchements au fil des pages pour finalement m'achever et me laisser tout pantois.
C'est ce qu'il vient de m'arriver avec Lunar Park de Bret Easton Ellis. Je sais, j'ai un peu tendance à lire les mêmes gars en ce moment, mais que voulez-vous, les écrivains c'est comme les amis, on s'obstine sur les valeurs sûres dans les moments de "pas super éclate".
Vraiment là le petit Bret, il m'a bien eu. A ma grande surprise (et aussi à une première déconvenue il faut bien le dire), je m'aperçois dès le début que le roman est un genre d'autobiographie, une sorte d'explication profonde sur les motifs de son oeuvre. Après avoir encaissé le mauvais coup (je sais, je suis dur avec les gens qui parlent d'eux-mêmes), je me dis qu'après-tout ça ne peut pas être complètement inintéressant d'apprendre l'historique de Patrick Bateman et consorts. Le premier chapitre m'accroche bien, j'y apprends la vie dissolue de l'auteur, quelques détails me faisant mieux comprendre le malaise de ses créations. Je suis trop naïf, je crois encore que l'esprit seul d'un être humain est capable d'imaginer les pires histoires, les situations les plus ignobles où se mêlent le sang et la bile. J'essaye de me l'avouer, certains gars puisent leurs ignominies littéraires dans leur propre caboche (Ferdinand Céline et Paul Morand, si vous m'entendez...).
Je me suis rendu compte que l'existence de bourgeois misérable que décrivent ses bouquins ne sont en fait qu'une retranscription des ses vertes années, le regard féroce et désabusé qu'il porte sur son petit monde de "privilèges".
Alors, quel intérêt me direz-vous, à quoi bon nous jeter dans une étude sociologique masturbatoire? Minute les gars, passez le premier chapitre, laissez-vous bouffer par la maîtrise de Môssieur Ellis. Ouais, respect. Progressivement, on fait connaissance avec son petit monde de Californien enfermé dans sa tour d'ivoire, engoncé dans une complaisance douloureuse qui le mine chaque jour un peu plus. Pfff vous vous dites là tout de suite, et vous avez tort.
De la classe, du talent, du gros oeuvre minutieux. Sans trop en dire sur l'histoire, on comprend petit à petit que le roman cherche volontairement à nous perdre entre deux mondes. Tout n'y a pas existé, et connaissant l'énergumène qui nous l'a pondu, on ne peut jurer de rien.

Lunar Park m'a plus fait flipper qu'American Psycho. Ici, on n'est pas au contact d'un gars qui très clairement n'a pas toute bienséance sur ses pulsions. On se met dans l'état d'esprit, on se brutalise un peu mais au final on s'en sort bien.
Mais là, on s'assoit tellement confortablement dans le réel et l'attendu (on frôle l'ennui) que quand déboule le grand chambardement, on perd très vite pied. Question construction d'un malaise, Ellis n'a pas grand chose à envier à un Stephen King (les bonnes grosses ficelles de la maison trop grande et sans âme). Très rapidement, on ne fait plus très bien le tri (et on n'essaye même plus d'ailleurs) entre le vrai Ellis (l'auteur) et le Ellis fantasmé; le prof de fac marié à une star hollywoodienne, fictive elle aussi, père pas modèle un brin de gosses sous anti-dépresseurs (Victor le chien aussi prend du Valium). Alors quand surgit la crise, on ne sait plus très bien si l'auteur nous révèle d'anciens délires psychotiques ou si tout l'intérêt du roman est là, dans cette manipulation de très haute volée (je pèse mes mots les amis). Je me suis rendu compte finalement très tard que le piège s'était impitoyablement refermé sur moi. Concrètement, quand la scène de l'exorcisme est venue sur la table, je me suis demandé: "C'est vrai ça ou pas?". Hallucinant non? Et vous savez quoi, je me demande encore...
"Libère Bret. Recommence tout. Rajeunis. Replonge-toi dans le monde adolescent du tout ou rien, dans la peinture rupestre des corps dévorés par les flammes- les trucs qui avaient fait de toi un succès précoce".

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