samedi 21 avril 2007

Chronique d'un saccage annoncé (Partie 1)


Eh bien ça y est, je viens d'accomplir sans fierté mon devoir civique. J'écris sans fierté parce qu'on s'entend bien pour dire que le nom dans ma petite enveloppe bleue ne reflétait pas vraiment mes opinions profondes. C'est ça insultez-moi si vous voulez mais j'en démordrai pas, la stratégie du moins pire est la seule viable dans notre système électoral actuel. S'il ne vous plaît pas tel qu'il est, fallait vous bouger l'arrière-train avant. Je ne dirai pas après puisqu'à cause de la dispersion des voix, il y a de fortes chances qu'on se tape un nabot qui lui est de toute façon rétif à toute idée de changement des institutions. Mais oui, essayez de vous consoler avec vos histoires de manifs et de soulèvement populaire. Regardons les perturbations sociales des dernières années. Elle remonte à quand la dernière grève générale dîtes moi donc? Ah c'est sur, envoyer nos lycéens face aux flashballs ça risque bien de faire sensation, mais niveau efficacité sur le long terme, faudra repasser les gars.
Bon, reste plus qu'à attendre demain. Je vous laisse, c'est l'heure de mon Tranxène.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Dernière grève générale en France : mars-juin 2003.

(Il est vrai que l'appel à la grève générale de FO n'a eu lieu qu'en juin, et que la CGT attendait "que la grève générale soit déclenchée" pour y appeler...)

Cela dit, je ne suis pas d'accord avec ton choix stratégique. En quoi Mme Royal est-elle plus démocrate ("moins pire") que M. Sarkozy ?

Pour ma part, je me suis abstenu.

Flavie a dit…

Ouais ben grève générale, t'es gentil toi, mais moi je crois qu'on devrait plutôt calmer les ardeurs des Français à faire la grève. Parce qu'au mois de Mai il fait beau et tout mais "en raison d'un mouvement social" tu peux aller nulle part en moins de trois heures dans un wagon bondé (ben oui parce que moi je prends le métro hein). Et vas-y que j'te descends dans la rue parce que je sais pas trop pourquoi mais on descend toujours dans la rue à cette époque de l'année alors y doit bien y avoir un truc contre lequel protester.
Eh mais j'y pense, cette année ça va être folklo!

Anonyme a dit…

Flavie, tu poses une question intéressante et vieille comme la grève.

"En raison d'un mouvement social" : tu poses la bonne question, "en raison de quoi" ont lieu les mouvements sociaux ?

Là où tu as raison, c'est que faire la grève pour elle-même n'a aucun sens.


Ce n'est pas l'employeur (privé ou public) qui dira aux usagers pourquoi son personnel fait grève. Par contre, les grévistes, en général, ne demandent pas mieux : pour forger ton opinion, pose-leur la question.

Les "grèves sans raison", ça peut arriver, mais c'est rarissime. Un salarié ou un fonctionnaire en grève fait une croix (!) sur son salaire de la journée / de la semaine / du mois. Généralement, ce n'est pas sans raison. Même dans l'Education nationale (j'ai un compte à régler), le personnel n'est pas stupide et suicidaire à ce point.

Pour ce qui est de la saison, en 95 c'était en plein hiver. Mais j'ai une autre explication. Vers 1850, les syndicats européens ont décidé de créer un jour de grève pour "compter leurs troupes", manifester simultanément sur les mêmes mots d'ordre tels que la journée de 12 heures et l'interdiction du travail des enfants de moins de 4 ans, et d'autres raisons futiles. Ils ont décidé que ce serait le 1er mai de chaque année. (En France, c'est Pétain qui en a fait un jour férié ...)

Tant qu'ils y étaient, ils ont choisi un jour de printemps. Mais enfin, puisqu'il s'agissait de manifester tous les ans à la même date, ils n'allaient pas prendre le 3 janvier !

Spinoza disait que l'ignorance n'était pas un argument. Il est tout à fait normal que tu te demandes pourquoi toutes ces agitations et ces emmerdements. Mais que tu n'aies pas la réponse, et que ni TF1, ni la RATP ne te la donnent, ne veut pas dire qu'elle n'existe pas. Exemples : en 1918, c'est la grève générale qui a poussé l'Allemagne à capituler. En 1936, c'est par la grève générale que les salariés ont obtenu les congés payés et les 40h en France. En 1974, c'est grâce à la grève générale que les Portugais ont viré leur dictateur. En 1981, c'est par une grève générale qu'on a su que les Polonais voulaient se débarrasser de Jaruzelsky.

Mais personne ne pourra te dire si dans l'absolu, une grève est justifiée, ou pas !

A l'inverse, tu peux te demander ce qui, au niveau social ou dans la politique, vaudrait la peine de bloquer l'économie du pays, perdre son salaire, et éventuellement sacrifier sa carrière. Et tu as tout à fait le droit de penser que telle mesure sociale n'en vaut pas la peine ; le gréviste ne partage pas ton avis et s'engage personnellement.

Que ce soit le bac en contrôle continu, ou le report de la retraite aux calendes grecques, ou la suppression du chômage pour les intermittents, ou la radiation d'un employé par équipe d'accueil/vente à la gare du Nord (cette semaine), ou l'insécurité dans les hôpitaux, ou la hausse des frais d'inscriptions à l'université, ou la "flexibilité" de l'emploi, ou les liquidations d'usines comme Moulinex qui ne font "que" 9% de profint, pour aucune de ces mesures, le gouvernement/les employeurs ne sont disposés à négocier. Des salariés pensent se défendre en faisant grève, et ils supportent les conséquences de leur décision. Tu n'es pas obligée d'être d'accord avec eux ; mais s'ils ont choisi ce moyen, c'est que le dialogue est déjà rompu.

Je pense que la quantité de flics dans la rue et de militaires dans les gares, (alors qu'il n'y a plus d'îlotiers, et que pompier n'est pas une profession à risque) serait une assez bonne raison pour bloquer l'économie entière du pays pendant un ou deux mois. Je pense que l'envoi des Rafale en Afghanistan le mériterait aussi, parce que je ne paie pas mes impôts pour qu'en en fasse ça. Tu peux me désapprouver, surtout que là-dessus je suis un extrémiste minoritaire.

Après, je suis d'accord avec toi sur un autre point : souvent, les mots d'ordre que le syndicat met en avant sont soit vagues, soit tout à fait utopiques. Cet effort (et les "effets secondaires") devient vide de sens...

Les mouvements commencent aussi sérieusement à puer quand, comme pour le CPE, on ne voit que les jeunes sans emploi dans la rue (et que donc leur "grève" n'a aucune conséquence économique). Résultat, ils se font bastonner et arrêter, le CPE passe "à moitié", et les autres salariés ne se rendent pas compte que, concurrence oblige, on leur demandera bientôt des sacrifices pour "rester rentables".

Pour en revenir à Sarkozy et Royal, l'UMP depuis l'époque Pasqua et le CIP a des groupes de casseurs de grévistes (ça s'appelle le fascisme). Le PS, quant à lui, a des syndicats "maison", où il est parfois très fortement conseillé d'adhérer (comme le SNES), mais qui sont les premiers à accepter les mesures les plus humiliantes pour "faire des sacrifices" après une grève symbolique. Sur ce point, leur méthode est ou fasciste, ou stalinienne : au choix.

Mais encore une fois, à chacun de se faire son opinion

(Tatache, pardon pour le pavé !)

Flavie a dit…

Ah mais moi je voulais pas rentrer dans un débat de cette taille non plus! Mais je vais quand même essayer d'apporter quelques précisions à ce que j'ai écrit:
- je suis pour la grève, mais comme on dit, un verre ça va...
- Je crois qu'en France on fait trop la grève. Ben oui, je vois pas pourquoi la situation dégénère aussi souvent, et pourquoi les deux parties sont incapables de dialoguer. Pour moi ça fait partie d'un phénomène plus grand: en France on râle trop et on oublie que nos acquis sociaux ne valent pas de soi. Il y a des gens qui se sont battus pour les obtenir et si tu regardes chez le voisin tu vois qu'on est pas tous logés à la même enseigne.
- Et effectivement les manifestants en général me font un peu chier parfois: les lycéens pressés d'appliquer leurs idées révolutionnaires et de prouver qu'eux aussi sont des rebelles, qui sortent à la première occasion venue (le CPE, fait-moi rire, t'as jamais travaillé de ta vie et tu crois t'y connaître en termes de marché du travail, Le Pen qui passe au second tour, chouette on va dans la rue pour pas aller en cours), les étudiants syndiqués à l'UNEF qui sont contre toute réforme de l'université, quelle qu'elle soit (moi je dis non aux stages en entreprise pendant ma licence, c'est vrai que c'est tellement facile de rentrer sur le marché du travail en ayant fait Histoire, en plus ma fac elle ressemble pas du tout à des chiottes géantes, je vois pas où est le problème, Tolbiac je t'aime, vive la Sorbonne... Ca me fait tellement rire quand je vois la tête des gens ici quand je dis que j'ai été à la Sorbonne, s'ils savaient...)

Donc évidemment il faut faire la grève si c'est nécessaire mais on en est arrivé à un point où c'est devenu nécessaire trop souvent. Là encore je le précise, c'est la responsabilité des deux parties.
Et puis quand on passe un peu de temps en Améwique on se rend compte de ce que c'est, un acquis social... On a de la chance en France et pourtant, on passe notre temps à se plaindre...